La femme africaine : bête de somme… ou superwomen? part 3

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Les villes : un lieu d’émancipation

Les années 1990 ont ainsi représenté un tournant dans l’histoire des femmes en Afrique. Crise économique et plans d’ajustement structurel ont suscité des vagues de licenciements qui ont réduit au chômage une grande partie de la population urbaine.

La capacité des femmes à multiplier les petits métiers dans le secteur informel a alors permis à bien des foyers d’échapper à la misère absolue. En prenant une place accrue sur le plan économique, la femme a augmenté son pouvoir social. Or ces années charnières ont aussi été celles qui ont vu la démocratisation imposée de l’extérieur par les bailleurs de fonds internationaux dans le cadre du règlement de la crise de la dette.

Cette démocratisation forcée a fait émerger le rôle des femmes en leur donnant enfin les moyens de s’exprimer via leur bulletin de vote. Ainsi, le rôle politique des femmes s’est accru : elles ont cessé d’être systématiquement dominées et subalternes.

Ce n’est pas un hasard si l’Afrique est le seul continent où les épouses des présidents jouent un rôle aussi important : à la fois totalement impliquées dans la vie politique et les combats de leur mari, mais aussi menant leurs propres activités caritatives… et servant de bouc émissaire au mécontentement populaire le cas échéant , les premières dames canalisent la volonté de représentation, de promotion et d’expression de la société civile, et surtout, en son sein, des « cadets sociaux » (les femmes et les jeunes).

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En ville, la femme peut désormais espérer accéder à tous les métiers, y compris les plus valorisants. Dans ce domaine aussi, pas de discrimination : les Africains acceptent volontiers que les femmes accèdent à des postes de responsabilité et de direction. Le nombre de ministres femmes est ainsi plus élevé dans la plupart des pays d’Afrique qu’en… France.

Travail à l’extérieur, fécondité contrôlée…, la femme est donc incontestablement plus libre en ville qu’à la campagne. Mais elle paie cher sa liberté. D’abord parce que d’atout économique, l’enfant devient une charge. La famille élargie n’étant plus là pour veiller sur lui, l’envoyer à l’école, le faire garder coûtent cher.

En ville, les foyers monoparentaux, qui voient des femmes seules se battre pour élever leurs enfants sans assistance masculine, représentent plus du cinquième des ménages.

La réussite des Femmes

Comme en Occident, les situations personnelles souvent difficiles reflètent des relations hommes-femmes d’autant plus chaotiques que l’émancipation des femmes se heurte à bien des résistances.

Mais la situation est aggravée en Afrique par les conséquences de la « décennie du chaos » (1991-2001), caractérisée par l’effondrement des Etats, qui a vu se multiplier le nombre de conflits et de guerres civiles : 35 pays étaient en guerre sur 53 pendant ces années de violence, qui ont vu de nombreux hommes tués dans les combats et une culture de la violence se développer au sein de la jeunesse.

Ainsi, le viol systématique et le rapt des jeunes femmes, utilisées comme esclaves sexuelles, ont été des armes de guerre systématiques dans des pays tels que les deux Congos, le Soudan, l’Angola, la Sierra Leone ou le Liberia. Ces femmes devenues mères contre leur gré et souvent contaminées (MST, sida) sont aujourd’hui psychologiquement et socialement détruites.

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Rejetées par leur milieu d’origine, elles se retrouvent en ville, sans moyens financiers, réduites à la mendicité ou à la prostitution quand les ONG ne sont pas là pour leur fournir une assistance et un refuge. Plus de 40 % des prostituées sont séropositives en Afrique centrale et australe, régions qui ont été les plus touchées par la guerre. « L’amour qui passe » tue.

L’urbanisation a ainsi entraîné la liberté des femmes, mais aussi leur précarité. « Lieu d’émancipation », la ville est aussi un « lieu de perdition ». On le voit particulièrement à travers la contamination par le sida, qui présente en Afrique la spécificité de toucher aux deux tiers des femmes, contrairement à ce qui se passe dans le reste du monde.

C’est la conséquence d’un contexte de pauvreté et de précarité sanitaire, alors que les échanges sexuels sont plus intenses qu’ailleurs, en raison de la polygamie, des viols en temps de conflits, mais aussi des désastres gynécologiques : MST et atteintes de l’appareil génital multiplient par dix le risque de contamination de la femme lors d’un rapport sexuel.

En raison aussi de l’attitude irresponsable, voire criminelle, des Eglises, qui continuent de stigmatiser l’usage du préservatif, prônant l’abstinence et la fidélité dans des pays où le « vagabondage sexuel », selon l’expression de Roland Pourtier, reste très répandu. Le « deuxième bureau » (la maîtresse) est une pratique généralisée, chez les hommes aisés notamment.

On l’aura compris, les femmes africaines n’ont pas la partie facile. Mais cette difficulté est aussi ce qui les rend fortes. La formidable puissance économique et sociale des femmes africaines distingue en effet ce continent du reste du monde. Leur présence massive dans le secteur informel et la production de biens alimentaires font d’elles des agents économiques de premier plan, que l’émergence d’une société civile conduit de plus en plus à s’organiser.

C’est désormais surtout avec les réseaux de femmes, coopératives de production, syndicats agricoles, associations de quartiers, que traitent les ONG internationales.

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