La femme africaine : bête de somme… ou superwomen? part 2

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Des hercules aux pieds nus

La polygamie reste une tradition dans bien des pays d’Afrique, même si la plupart d’entre eux ont limité à quatre le nombre d’épouses légitimes, ou bien, comme au Sénégal et au Mali, demandent à l’époux d’opter de façon irrévocable, dès ses premières noces, soit pour la monogamie, soit pour la polygamie.

Il ne faut d’ailleurs pas juger la polygamie uniquement comme une violence faite à la femme : elle conserve toujours un pouvoir d’arbitrage, sur le choix et l’acceptation de ses coépouses, sur la gestion en commun de la famille élargie. Et la possibilité de retourner dans son village ou au sein de sa famille, lorsqu’elle estime que sa situation n’est pas satisfaisante. Sans parler des nombreux cas de sociétés matrilinéaires, voire matrilocales, où la femme conserve un pouvoir essentiel.

Il n’empêche que les femmes restent toujours les bêtes de somme de l’Afrique. Malgré l’urbanisation rapide du continent, plus des trois quarts des femmes africaines travaillent encore dans le secteur agricole. Or le travail incessant qu’elles fournissent dans les campagnes dépasse l’entendement.

Il est sans comparaison avec celui dont est chargé l’homme, surtout si l’on ajoute les tâches domestiques purement féminines, liées à l’éducation des enfants, à l’entretien du foyer, à la préparation des repas.

Dans les campagnes africaines, les femmes travaillent sans relâche du matin au soir. Elles sont levées à l’aube, levées avant et couchées après tous les autres membres de la famille.

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L’absence de moyens de portage mécaniques ou animaux fait effectivement d’elles des bêtes de somme : nulle autre personne ne pourrait porter, comme elles le font, à la fois des fagots de bois, des canaris d’eau ou des paniers, empilés sur la tête, en même temps qu’un enfant dans le dos (et parfois un autre dans le ventre).

La charge dépasse fréquemment les 30 kilos, et elle est assumée sur des distances parfois très longues : 5 à 10 kilomètres, avec aux pieds de simples sandales, voire pieds nus, sur de mauvais chemins. Les femmes africaines sont de véritables hercules.

Et les premiers agents économiques des campagnes, car ne se limitant pas à leurs tâches domestiques, elles s’occupent des cultures vivrières. Tout en ne disposant d’aucun droit sur les terres qu’elles cultivent, ce qui rend leur situation précaire et empêche leur accès aux intrants. Avant que les ONG n’interviennent, les femmes n’étaient même pas considérées comme des interlocutrices par les grandes agences d’aménagement rural car, à de rares exceptions près, elles n’existent toujours pas dans le droit foncier.

Porter sans cesse

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Alors les femmes compensent en exerçant parallèlement une activité artisanale (confection de paniers, de tissus…).

La plupart d’entre elles vendent ainsi sur les marchés les aliments qu’elles ont cultivés ou préparés (beignets, plats cuisinés). Le gain est minime par rapport au temps consacré (ne serait-ce que dans le transport), mais il permet à la femme d’acquérir une certaine autonomie financière dans la cellule familiale : l’argent qu’elle gagne reste en général sa propriété. Les femmes sont ainsi la première cible des activités de microcrédit, parce qu’elles travaillent dur et remboursent scrupuleusement… contrairement aux hommes.

Mais elles n’ont pas attendu les ONG pour être capables de monter leurs entreprises et de mobiliser l’épargne collective : le microcrédit ne fait que reproduire le système des tontines, en usage depuis toujours en Afrique.

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Ainsi, la femme africaine porte bien souvent sur ses épaules, à tous les sens du terme, la santé économique des campagnes africaines. Une véritable performance qui force l’admiration lorsqu’on sait qu’aucune n’échappe (sauf raisons médicales) à l’impératif de la procréation.

Un ventre vide est une malédiction. Dans bien des campagnes, le taux de fécondité reste aujourd’hui encore proche du maximum physiologique. Il est encore, par exemple, de 9 enfants en moyenne au Niger, record mondial (avec la Palestine).

La femme a sa première enfant encore adolescente et elle procrée sans relâche jusqu’à la ménopause, l’allaitement seul permettant d’espacer les grossesses. On la voit ainsi affairée à ses multiples occupations, un bébé au sein, un autre dans le ventre, et de tout-petits encore accrochés à ses basques, même si elle a tendance à les confier aux aînés.

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La fréquence des maternités et leur faible encadrement médical (quand il n’est pas tout simplement inexistant, particulièrement depuis la crise économique des années 1980-1990) expliquent que le statut gynécologique de la plupart des femmes soit souvent désastreux : grossesses et accouchements trop précoces et trop répétés les détruisent de l’intérieur.

La mortalité en couches atteint des sommets mondiaux : le taux de mortalité maternelle est en moyenne de 800 à 1 000 décès pour 100 000 grossesses (contre 400 dans les pays en développement et 10 dans les pays développés).

L’ampleur des désastres intimes est aggravée par les mutilations féminines rituelles (excision et surtout infibulation), toujours pratiquées, en dépit des campagnes des autorités et des ONG, parce qu’elles sont le signe de l’importance du contrôle social de ces femmes.

Une femme qui n’est pas « coupée » reste dans bien des pays impure et dangereuse. Son aptitude à ressentir du plaisir, donc sa supposée liberté sexuelle, menace l’équilibre social et le pouvoir des hommes.

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On comprend dans ces conditions pourquoi bien des femmes ont la tentation de fuir le village pour vivre en ville, où elles échappent à la fois à l’autorité du groupe et des anciens et à une impitoyable division sexuelle du travail.

La vie urbaine apporte incontestablement une amélioration de la condition féminine : les fillettes ont accès à l’école, leurs aînées aux services de santé et de planning familial. Or il existe une corrélation mathématique inversée entre le nombre d’années d’études suivies par la femme et le nombre d’enfants qu’elle met au monde : plus la durée de scolarité est longue, plus l’âge du mariage est tardif, plus le nombre d’enfants est limité et plus leurs chances de survie sont élevées.

L’entrée de l’Afrique dans la seconde phase de la transition démographique, celle à partir de laquelle le taux de natalité commence à baisser pour rejoindre le taux de mortalité, est ainsi partie des villes au tournant des années 1990. La fécondité est aujourd’hui inférieure de moitié en ville (3 enfants en moyenne) qu’à la campagne.

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