Quand tout le monde a commencé à considérer le gouvernement comme une sorte de messie ou comme un Business angel c’est là que je me suis rendu compte que certains de mes rêves allaient vite devenir des cauchemars.
Durant ma première année d’université je croyais fortement qu’après l’obtention de mon diplôme j’aurais un emploi stable et un salaire de cadre; le côté positif de cette croyance m’avait poussé à travailler dur et me dépasser moi-même, je me voyais devenir le sauveur de ma famille après 4 ans d’études.
Aîné d’une famille de 7 enfants, un père qui nous a quitté 3 mois après le début de mon cursus universitaire (paix à son âme), à peine 18 ans j’ai vu le lourd fardeau que je devais porter toute ma vie, pour ce faire je devais renoncer à ma jeunesse, faire mon possible pour ne pas reprendre de promotion afin de ne pas faire perdre espoir à une mère qui se rend chaque jour au champ pour payer mes frais académiques.
Moi qui pensais faire juste Informatique, mais quelle informatique? Je n’en avais aucune idée, je jouais certes avec des ordinateurs depuis mes 11 ans dans le Cyber café de mon collège, par le pire de circonstance je me trouve entrain de faire la pédagogie générale au secondaire après une année réussie en scientifique. Mis à part internet, la suite Microsoft office et finalement Photoshop, je ne savais rien d’autre en informatique.
Première année d’université, plus de 20 cours, Beaucoup de Maths, de physique, dessin scientifique, comptabilité, moi tout ce que je croyais c’était m’asseoir devant un ordinateur chaque jour et apprendre l’informatique. Je ne savais même pas qu’il existait une filière appelée génie logiciel, ou administration et réseaux ou télécommunications, l’université commençait à devenir très dure, incompréhensible , imprécise. Les professeurs transmettaient les cours de leurs façons, tout cela était entrain de tracer un avenir incertain dans ma tête, je devais vite me réveiller .
Je suis brusquement tombé amoureux du cours d’algorithmique , une sorte de coup de foudre, dans un écosystème des cours que je considérais infernal l’algorithmique était devenue mon petit coin de paradis, je comprenais chaque ligne, chaque itération, chaque variable, du coup j’ai commencé à apprendre encore plus , des fois je finissais un livre par jour, Visual Basic, Langage C, tellement sous l’emprise je suis devenu antisocial et j’ai abandonné le 90% de mes amis, j’ai arrêté de me faire coiffer et pour une fois depuis longtemps je commençais à rêver encore.
Deuxième année d’université on me propose de devenir le vice président du club des développeurs de l’université, le club le plus fou et prestigieux, seuls les meilleurs pouvaient s’y aventurer, java, C, C++, C#. Grâce à mes notions de pédagogie et psychologie j’ai trouvé une autre façon de transmettre mes connaissances aux étudiants et de mettre tout le monde à l’aise.
Troisième année, je deviens le président du club , encore plus fou, rebelle, avec une sorte d’ego et d’orgueil que tous les programmeurs ont. j’ai fais mon possible pour minimiser les dégâts pendant les deux années précédentes où l’on apprenait l’informatique et la culture générale(sida, religion etc) , en troisième année chacun choisit sa filière, pour moi le choix était clair: Génie logiciel, systèmes informatiques . Les cours n’étaient plus un problème maintenant vu que tout tournait vers le génie logiciel; on avait les connaissances; mais la question était maintenant de savoir qu’est ce qu’on en fait ou ce qu’on en fera ?
On conçoit des applications que personne n’utilise, on ne sait rien vendre, presque personne ne voit à quel point nos solutions sont importantes, tous les documentaires que je regardais à propos de silicon valley commençaient à ressembler à de la science fiction maintenant, on voulait devenir des Bill Gates et Mark Zuckerberg africains mais les réalités nous rattrapaient.
L’alternative était d’aller dans des entreprises minières ou dans le gouvernement mais quand on s’était rendu compte que nos aînés scientifiques se baladaient dans la rue sans emploi malgré toutes leurs compétences; on a commencé à se dire qu’on était vraiment dans un film d’horreur; j’ai commencé à fréquenter des conférences et des Workshop en entrepreneuriat pour comprendre certaines choses. La vérité était là devant moi, il n’y avait pas de travail pour moi et en grande partie le gouvernement en était la cause, au fait c’est ce que nous avions compris durant ces conférences du moins.
Sachant ce que l’avenir me resservait, entre deux diables j’ai choisi le moins nocif, je me suis décidé d’entreprendre dans le numérique, je suivais le rythme de ceux qui étaient là avant moi, faire du bruit , faire semblant qu’on gagne sa vie mais au fond rien ne marchait, l’espoir me faisait vivre mais il ne me nourrissait pas.
Voila finalement la 4eme et dernière année , obtenir un diplôme ne faisait plus la joie sachant qu’après je vais être au chômage , le jour de la graduation la famille célèbre, on me sert la main , comme si on me disait : bienvenu dans l’autre dimension des problèmes où tout ce que tu feras dépendra du gouvernement.
Quand nous voulions entendre même une seule phrase dans laquelle seront mentionnés les mots Startup, financement, jeunesse etc ,eux tout ce qu’il disaient c’était gouvernement, politique , élection , président et encore pire ils coupent internet, ils viennent harceler les jeunes entreprises avec leurs taxes.
Tout le monde a commencé à croire que seule la politique était profitable,que le gouvernement avait énormément d’argent et qu’il était la source de tous les maux, les entrepreneurs quant à eux ont commencé à penser que le gouvernement était le seul business angel du pays, une vache à lait, alors beaucoup se sont lancés dans l’opération séduction , en léchant les bottes et en étant le cousin d’un tel cela garantissait l’avenir , mais nous par fierté ou par orgueil ou à cause de notre ego nous voyions petit à petit nos rêves s’effondrer.
Personnellement je voulais quitter le Congo d’une manière ou d’une autre, intérieurement j’ai décidé de ne plus être congolais, de ne pas penser, agir, marcher ou parler comme les congolais que je connaissais. Je cherchais des modèles non-congolais, des idées qui dépassent les frontières, les clients étrangers et même le travail je l’ai trouvé ailleurs, j’ai arrêté de vouloir trouvé de solutions que pour les congolais et petit à petit j’ai commencé à sortir de cette prison et je voyais maintenant les choses sous un autre angle.
Bien que mon corps est au Congo je me vois comme un citoyen du monde, un étranger qui vient pour faire sa part et je me dis que tant que le Congo ne se libérera pas il continuera à perdre spirituellement ses fils et filles et là où le désespoir se nourrit il n’y aura jamais de liberté ni de progrès.
Samy mwamba, extrait du livre CHAPITRE 2
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