Le spectacle désolant et inquiétant pour l’avenir du pays.

Les jeunes étudiants congolais, dont beaucoup étudient grâce à de grands sacrifices consentis par leurs parents, savent qu’une fois diplômés les chances sont minimes de trouver un emploi quelconque, moins encore un emploi qualifié.

Le système scolaire lui-même est à la merci de la culture de corruption, Même les enfants à l’école primaire estiment que payer l’enseignant pour avoir de bonnes notes c’est de la « coopération » et non de la corruption.

Tout se passe comme si, pour devenir quelqu’un d’important en RDC aujourd’hui, il vaut mieux créer une milice et commettre des crimes que de faire des études.

Les jeunes qui se débrouillent pour travailler dans l’informel (coiffeurs, porteurs, etc.), développent certes des initiatives impressionnantes, mais souvent dans l’attentisme et le provisoire en se forgeant leurs propres lois. Ils se sentent en marge de la société et n’aspirent pour la plupart qu’à être ailleurs et faire autre chose.

Rien d’étonnant que cette jeunesse aux multiples facettes cherche des voies de sortie, des voies de départ.

Que ce soit en allant chercher de l’emploi dans les pays voisins, en cherchant une ouverture vers d’autres continents en tant que réfugiés ou en tentant l’aventure du passage illégal par terre ou par mer.

Beaucoup de parents et les familles traumatisés par de longues guerres, se concentrent sur la lutte pour la survie et abandonnent l’éducation de leurs enfants.

De nombreux enseignants non payés et clochardisés, souvent mal qualifiés, ont du mal à se comporter en modèles et à transmettre des valeurs et l’esprit critique nécessaire à une bonne éducation.

Plus grave encore : quand, dans certains pays, ces jeunes veulent élever la voix pour résister au désespoir et forcer les pouvoirs publics à s’occuper de la situation qui leur est faite et qui n’a d’autre horizon que la mort, ils ne trouvent pas d’oreille attentive à leurs doléances, ni une quelconque sensibilité à ce que signifie vraiment la violence.

Les autorités écrasent souvent dans le sang ces revendications, ajoutant ainsi un nouveau désespoir au désespoir déjà existant.

Quand l’Etat répond à la violence de la jeunesse par la violence des armes et la cruauté de l’ordre public, lorsqu’on fait recours aux balles réelles quand les enfants affamés et désespérés cherchent violemment du pain, on se trompe manifestement de but et d’enjeu. C’est cela que beaucoup de gouvernements sont tentés de faire aujourd’hui en Afrique.

Ce qui est troublant dans le phénomène des enfants de la rue en Afrique, c’est le fait que ce phénomène s’amplifie dans des sociétés où les religions semblent encore avoir une place centrale dans la vie, où les communautés de foi sont omniprésentes, où le discours religieux a un impact sur les consciences et où l’exubérance du religieux se solennise tous les jours avec de sublimes majestés. N’est-ce pas le signe qu’il y a, dans notre société, nécessité de mettre résolument l’éthique et la spiritualité, au service du développement de la jeunesse, dans des initiatives et des projets qui puissent faire de chaque enfant, de chaque jeune, un ferment de vie pour nos nations ?

Pire encore, à engager les jeunes dans les violences les plus destructrices, en présentant ces violences comme mode de vie et libération de l’être.

Dans une débauche d’énergie meurtrière face à des ennemis qui sont pourtant des compatriotes avec qui on devait construire un destin de bonheur solidaire, on donne aux jeunes l’illusion qu’ils construisent un avenir alors qu’ils détruisent la branche sur laquelle leur société est assise (xénophobies).

Tout peuple, toute nation, toute culture et toute civilisation vivent des images, des visions et des représentations qu’ils construisent d’eux-mêmes et qui leur servent de puissance de dynamisation de leurs énergies créatrices.

A travers des récits qu’ils produisent, des liturgies sociales qu’ils organisent, des symboles de force qu’ils se donnent et des modèles de vie qu’ils se forgent à travers leurs personnalités les plus marquantes dont ils célèbrent la vigueur de manière constante, ils fertilisent leur conscience et mobilisent les esprits pour transformer la société.

Plus l’image qu’une société se donne d’elle-même est positive et féconde, plus l’esprit des personnes et des groupes est créatif et construit une personnalité capable d’affronter les problèmes les plus cruciaux du présent et de l’avenir.

Quand, par contre, la représentation qu’un peuple a de lui-même est négative et pathologique, on ne peut pas attendre de ce peuple qu’il se bâtisse une personnalité créatrice et qu’il se donne des énergies psychiques pour affronter les obstacles qui se dressent sur son chemin. Aujourd’hui, les sociétés africaines ont développé une image tellement négative et des représentations tellement psychopathologiques d’elles-mêmes qu’il est difficile de trouver en elles des points d’appuis psychiques solides pour s’attaquer résolument au drame de la jeunesse.

La question cruciale qui se pose est celle de savoir ce qu’il y a à faire pour changer l’imaginaire de la société africaine, c’est-à-dire l’ensemble de représentations, de visions et d’images négatives que nous avons de nous-mêmes afin de produire un nouvel imaginaire créateur.

Si l’Afrique veut affronter le drame des jeunes en son sein avec quelques chances de proposer des solutions vraies, il faudra veiller à la construction des nouveaux lieux d’espoir dans tous les domaines décisifs pour notre espoir.

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